Alicia l'avait submergé de questions. Elle était elle aussi en quête, en quête de savoir qui avaient tué son père et pourquoi. L'antagonisme naturel entre vampires et magiciens n'était pas une réponse suffisante à ses yeux. Les vampires étaient certes une race à part du fait de leur longévité, cela en faisait des êtres plus dédaigneux de la vie d'autrui. Lycans et magiciens étant eux mortels, ils pouvaient eux faire plus nettement la différence entre le bien et le mal. Les loups garous ont cependant, pour certains d'entre eux, une difficulté à contrôler leur double qui peut en faire parfois des monstres sanguinaires. Ce point là, il le tût à Alicia ...

Qui est dangereux, qui ne l'est pas ? Peut-on tous vivre ensemble dans le meilleur des mondes ? La jeune fille avait encore une vision utopiste de leur monde, une vision ... innocente. La mort aussi brutale fût-elle de son père ne l'avait pas plongée dans une soif irréfrénée de vengeance. Au contraire, elle cherchait à savoir s'il y avait possibilité pour que tous les gens puissent s'entendre et vivre harmonieusement. Paul secoua négativement la tête.

Il lui expliqua tout le mal qu'il pensait des vampires. Ces êtres vivent de sang. Le meurtre fait donc partie de leur quotidien. Magiciens et lycans n'ont pas besoin de tuer pour vivre et peuvent même très bien se mêler à la population humaine. Il avoua à demi mot que certains magiciens considèrent les loups garous comme une expérience magique ratée qu'ils cherchent depuis à effacer en ... les traquant sans relâche. Alicia sentit bien derrière ces mots que Paul avait déjà eu maille à partir avec eux.

- T'inquiètes, tant que j'évite de croiser leur chemin, on se porte bien chacun de son côté. Et puis toi tu ne me veux pas de mal ?

Elle le questionna ensuite sur l'existence possible d'autres espèces. Paul lui parla des Feys qui vivent dans la nature faisant corps avec eux au point de ne pas les rencontrer souvent (s'ils existent encore!). Peu de choses connues à leur sujet, lui même en a plus entendu parler qu'il ne les a vus. Paul était désolé de pouvoir la renseigner plus. Elle découvrait un nouveau monde qui s'ouvrait à ses yeux et il était un bien mauvais guide alors qu'elle ne cherchait qu'à l'appréhender pour mieux le connaître, savoir dans quelle mesure il pouvait s'avérer dangereux ou non.

C'était pour sa mère qu'elle se faisait du souci, tout ce qui lui restait comme famille visiblement. Les explications de Paul n'avaient pas rassuré la fillette, bien au contraire. Ainsi allait le monde, il était loin d'être rose. Il regretta un peu d'avoir été aussi franc, d'avoir partagé sa vision fataliste de son monde fait d'êtres surnaturels, pour une partie sanguinaires, violents, monstrueux. Il lui envoya une petite tape sur l'épaule pour qu'elle décroche de ses images noires.

- Hey ! J'n'ai pas des masses d'amis, mais j'peux être le tien. Il ne doit pas y avoir beaucoup de filles de ton âge qui ait un pote loup garou ! Sans doute maladroitement, il avait voulu faire un peu d'humour pour lui changer les idées. Allez, sortons. Qu'est-ce qui te ferait plaisir à manger ?

Paul n'avait pas épargné Alicia dans ses réponses. Il lui avait parlé comme à un adulte et à la vérité, l'adolescente le regrettait un peu. Tout ce qu'il lui avait dit ne peigner pas un tableau réjouissant. Elle ne pouvait empêcher son visage d'exposer ses inquiétudes. Il était évident qu'elle ignorait beaucoup trop de chose de ce monde et qu'elle était trop faible. Comme allait-elle faire pour être capable de protéger sa mère, si elle n'avait ni les connaissances, ni les capacités pour. Aujourd'hui avait été un spectacle horrifiant pour elle : sans Paul elle n'aurait probablement pas survécu et s'il y avait eu sa mère, elle aurait pu les défendre bien moins longtemps. Il lui semblait évident à présent qu'elle allait avoir besoin d'Aaron pour la former, seulement, il faudrait qu'elle trouve le moyen d'amener le sujet sans se faire refuser les sorts offensifs. Son père ne lui avait appris que des capacités défensives, mais aujourd'hui, même si elle avait essayé de ruser avec, elle n'avait pas été capable d'agir. Alicia était tellement frustrée et en colère contre elle-même.

Quand Paul avoua le conflit entre sorcier et loups-garou, elle eu envie de s'indigner, après tout c'était un loups-garou qui l'avait sauver ! Pourtant elle ne dit rien, sachant que le monde des adultes étaient plus complexe de cela. À la place elle se contenta d'une moue réprobatrice avant de sourire à Paul. Bien sûr qu'elle n'allait pas l'attaquer. Même si la réponse lui semblait évidente, elle se tourna vers l'ordinateur pour taper rapidement une réponse.

« Bien sûr que je vais t'agresser alors que tu es celui qui m'a sauvé la vie ! Puis compte sur moi pour te protéger ! Je vais devenir plus forte comme ça aucun sorcier ne pourra t'attaquer sans avoir affaire à moi ! »

Elle bomba le torse fière avant de rire silencieusement. Bon certes c'était ridicule, mais elle le pensait : Alicia avait à présent un nouveau nom sur sa liste de personne à protéger. Paul enchaîna sur les autres espèces, les Feys. Il n'avait visiblement pas grand chose à raconter sur eux, laissant l'adolescente dans le vague. Voilà un autre mystère qu'elle devrait résoudre auprès de son oncle. Elle espérait qu'il pourrait lui en dire plus et l'aider à agrandir ses connaissances. Alors qu'elle se perdait dans ses pensées, l'adulte lui fit une petite tape dans le dos qui la ramena à l'instant présent. Elle ne put empêcher un grand sourire naître sur son visage : elle n'avait aucune raison de refuser un tel ami, surtout s'il en avait peu comme elle et puis c'était la classe d'avoir un ami loups-garou. Elle tapa une réponse rapidement sur l'ordinateur avant de se lever pour récupérer son téléphone, sa veste et son sac à dos, se tenant prête devant la porte en moins de temps qu'il ne fallait le dire.

« C'est la classe un ami loups-garou ! Olivier approuve notre amitié ! »

Prête à sortir elle lui fit signe de le suivre. Si elle était aussi excité à l'idée de sortir manger, c'était pour deux raisons : elle avait faim et elle voyait en cette sortie un moyen d'oublier un peu les horreurs qu'elle venait d'apprendre. Une fois à l'extérieur elle lui attrapa la main et le traîna à sa suite dans les rues de la ville. Elle ne connaissait pas spécialement le quartier, mais en l'explorant elle ne doutait pas de pouvoir trouver un fast-food ou pourquoi pas une pizzeria encore ouverte malgré l'heure tardive de la nuit. Après avoir airé quelques minutes, elle s'arrêta et sortie son téléphone pour enfin indiquer à Paul ce qu'elle cherchait. C'était Olivier qui l'avait sermonné, lui disant qu'il serait plus facile de trouver en demandant à l'adulte qui devait connaître le coin.

« J'aimerais bien manger une pizza ou au pire un burger. Mais j'ai vraiment envie d'une pizza ! »

Ce n'était pas la mission la plus facile qu'elle lui donnait, mais les pizzas étaient rempli de bon souvenir avec son père. Même si elle lui en voulait de lui avoir tant menti, il restait son père, celui qu'elle aimait plus que tout au monde ; alors aucun mensonge ne saurait ternir les bons souvenirs. Elle se l’interdisait car c'est tout ce qu'il lui restait de lui : des souvenirs.

Paul n'avait pas saisi qui était Olivier. Elle avait parlé de sa mère, de son père décédé sans les nommer. Alicia avait parlé de lui comme s'il était au courant de la situation. Etait-ce un ami à qui elle venait d'envoyer un texto à un moment où il regardait ailleurs ? Peut être. Bien qu'un peu curieux et bien qu'Alicia l'ait longuement questionné, il ne voulut pas lui rendre la pareille et lui laisser sa part de mystère. Il l'avait laissée s'immiscer dans sa vie, habitué qu'il était à savoir tout lâcher d'un coup pour recommencer sa vie ailleurs à partir de rien. Mais il ne tenait pas à rentrer dans sa vie à elle, c'était risqué de croiser d'autres magiciens qui n'auraient pas la même compassion à son égard ...

L'invitation à manger dehors avait complètement réveillé Alicia malgré sa courte nuit. Toute excité, elle prit les devants pour descendre les étages. Dehors, elle prit la main de Paul qui se laissa guider. Depuis sa transformation, il évitait de trop se rapprocher des humains, se contentant de vivre parmi eux, pour les préserver. Mais la fillette pouvait être rangée dans la catégorie des êtres surnaturels, elle faisait donc exception. Et ça lui faisait du bien de discuter un peu de son monde à lui même elle était trop jeune pour tout comprendre. Discuter, c'était une façon de parler car elle s'exprimait silencieusement, à l'écrit. Etait-elle muette de naissance ou des suites d'une infection, un accident ? Encore une question qui relevait de l'intime qu'il n'osa pas poser non plus.

Durant leur promenade, il se surprit à calculer mentalement leur différence d'âge : il avait 48 ans, elle en avait 10-12. Il pourrait être son père ! L'image le fit sourire car l'idée de la paternité ne l'avait jamais effleurée ... jusqu'à aujourd'hui. Qu'est-ce que c'était qu'être père ? Les responsabilités, l'exemplarité, l'éducation, la protection et ... l'amour à fournir. C'était si abstrait ! Et il n'aurait même pas pu lui demander comme elle avait perdu le sien. Cherchait-elle à le remplacer ou juste à en garder la trace vive à travers lui ? S'il devait un jour endosser le rôle de père, il prendrait cela comme cela vient, comme un cadeau tombé du ciel. Il se débrouillerait comme il s'était toujours débrouillé : faire avec ce qu'il avait, au jour le jour. Sans prise de tête, juste profiter de l'instant présent sans se projeter inutilement dans l'avenir comme personne ne sait ce dont demain sera fait.

Elle lui fît le tour de quartier, sautant d'un resto à un resto, espérant trouver celui qui attiserait son appétit. Il lui serra la main pour lui signifier qu'il appréciait sa compagnie, ce moment qu'il avait passé ensemble, mais aussi pour lui dire qu'il serait temps de se décider à poser leurs fesses quelque part ! Pizza ou burger, mais plutôt pizza. Ainsi exprima-t-elle son envie. Ca tombe bien, Paul connaît un petit italien avec de bons produits !

- Viens, ya un très bon pizzaiolo pas loin !

Cette fois, c'est Paul qui joua le guide avançant à grands pas faisant presque courir la fillette jusqu'à la petite enseigne du restaurant. Deux petites tables sur le trottoir, une dizaine de places assises à l'intérieur, l'établissement de payer pas de mine, mais la cheminée au feu de bois était déjà au travail et de savoureux arômes prenaient agréablement les narines des clients qui y entraient, accueillis d'un franc et chaleureux "buongiorno" ! Le patron était prêt à recevoir leur commande : les différents ingrédients étaient visibles derrière une petite vitrine sinon une carte des différentes variétés de pizza était à leur disponibilité. En connaisseur, Paul opta pour la margarita, simple et classique, accompagnée d'une boisson énergisante.

- Et pour toi ?

Même pas 10 minutes plus tard, les pizzas chaudes étaient en boîte. Paul avait sorti un billet froissé pour régler leur commande à emporter. En effet, il avait proposé à Alicia d'aller déguster leurs mets dans un petit square pas loin et profiter de l'extérieur. C'était aussi plus discret pour continuer leur discussion si toutefois elle avait encore des questions à lui poser.

Cette fois c'était elle qui trottinait derrière l'adulte pour le suivre vers leur destination. Elle se contentait de profiter de l'instant présent, ses yeux se perdant sur les lumières des enseignes allumées. Avec Paul elle se sentait en sécurité, elle pouvait être l'enfant qu'elle était sans se soucier des risques. Ils se protégeraient mutuellement, elle le savait, elle le lui avait promis. Lorsqu'ils arrivèrent à la pizzeria, Alicia fit une petite moue, il fallait dire que l'endroit ne payait pas de mine, mais l'odeur qui échappé des cuisines et de la cheminé la fit vite sourire. Tout cela sentait terriblement bon et réveillé un peu plus son appétit.

Quand il fallut choisir, la jeune fille pointa sur la carte une quatre fromages et elle fit de même pour sa boisson, un orangina. Elle n'avait pas eu le courage de sortir le téléphone et d'y inscrire sa commande. Paul avait comprit et transmit à voix haute pour elle. Finalement c'était vraiment pratique d'avoir quelqu'un avec soit, l'idéal serait que l'accompagnant parle le langage des signes, comme sa mère. À cette pensée, elle baissa la tête, un peu honteuse de profiter de sa soirée alors qu'Élise devais être morte d'inquiétude. Alors pendant que Paul payer leur repas, elle envoya un rapide message à sa mère : tout va bien. Je rentre demain, dors je suis en sécurité. Elle savait qu'en rentrant elle se prendrait un savon, mais elle ne regrettait pas d'avoir fui ; il était trop dangereux qu'elle reste pendant que sa magie se manifestait sans qu'elle la contrôle.

Ils ne restèrent pas sur place, allant plutôt s'installer dans un parc tranquille. Lorsque Paul posa leur commande, Alicia s'empressa d'entamer sa première tranche de pizza, la dévorant comme si elle n'avait pas mangé depuis des semaines. En réalité, elle adorait les pizzas, mais surtout elle lui rappelait tous les bons souvenirs avec son père. Il y avait les soirées devant la télé avec des pizzas commandées, puis les nombreuses fois où ils étaient partis en vacances et s'étaient arrêtés pour manger des pizzas en route. Bien sûr, il y avait le meilleur souvenir, la meilleure des pizzas : celle faite par son père. À chaque fois il préparait la pâte et elle la garnissait avec lui, la chargeant de beaucoup de fromage, ce qui faisait râler les adultes, mais on la laissait toujours faire. Ce n'est pas qu'elle aimait plus que cela le fromage, mais elle adorait sa texture une fois fondu et les fils qu'il produisait.

Manger lui faisait du bien, surtout après avoir vomi à deux reprises. D'ailleurs l'adolescente ne pu retenir une grimace en se rappelant le bras qui venait frappé le vampire qui s'était attaqué à elle. Elle secoua vivement la tête pour chasser cette image et attaqua sa deuxième part. L'heure n'était plus aux monstruosité. Elle était en sécurité à présent et pouvait manger en toute tranquillité ce délicieux repas. Si la pizzeria ne payait pas de mine, elle faisait effectivement des merveilles en cuisine. C'était une adresse à absolument retenir pour y retourner. Tout en mangeant, elle sortit son téléphone portable et commença à écrire avant de montrer le tout à Paul.

« Merci pour le repas ! Les pizzas c'est vraiment trop cool à manger ! Papa avait l'habitude d'en faire à la maison. D'ailleurs, comment tu es devenu un loups-garou ? C'est comme dans les films ? Tu te fais mordre et à la pleine lune tu te deviens loups-garou ? Pour la transformation, j'ai pu constater que cela ne dépend pas que de la pleine lune ! D'ailleurs tu es un loups-garou depuis quand ? »

Si ces questions pouvaient avoir un aspect intrusif, c'était en partie car Alicia avait une grande curiosité des choses qu'elle ne connaissait pas, mais aussi car elle voulait en apprendre le plus possible sur son nouvel ami. À côté d'elle, Olivier secouait la tête de dépit, mais il avait un grand sourire aux lèvres. Sa meilleure amie venait enfin de se faire un ami, même si celui-ci n'était pas de leur âge, c'était un bon début. Alicia lui tira la langue avant de se remettre à manger tout en écoutant les paroles de Paul. Elle avait fait ce geste comme si de rien était et si son entourage en avait l'habitude, connaissant l'existence de cet ami imaginaire, pour le loups-garou ce geste devant sans doute paraître bizarre, car adressait à personne de visible. Mais Alicia n'avait pas pensé à cela, trop habitué à côtoyer Olivier au quotidien et que personne ne lui fasse de remarque à ce propos.

Alicia avait entamé sa pizza avec avidité. Paul qui avait escompté sur le fait qu'elle ne la finisse pas se prit à regretter de n'avoir pas choisi la taille supérieure pour la sienne. D'avoir la bouche pleine n'interrompit pas pour autant la conversation : elle lui narra par écrit qu'elle avait coutume d'en faire avec son paternel. Décidément, la présence d'un père lui manquait ! Ses propres parents à lui l'avaient bien entouré durant toute son enfance et son adolescence. De nombreux souvenirs d'activités sportives ou autres lui remontaient en tête. Les études supérieures et sa majorité avaient mis un peu de distance avec eux pour s'orienter dans la vie d'adulte responsable et autonome. Cette transformation là fût sapée dès le début par une toute autre transformation. D'ailleurs, elle l'interrogea à ce sujet. Il lui avait déjà quasi tout dit sur son espèce, mais elle souhaitait cette fois en savoir plus sur son histoire personnelle, question un peu plus intime.

- J'ai été mordu en effet par un loup garou, à 20 ans à peu près. Quant à ma transformation, rien à voir avec la lune en effet. Mais on ne peut la contrôler plus longtemps qu'un mois, une par cycle lunaire quoi. Quand on arrive à maîtriser notre ... double -et ce après des années d'expérience- on peut le faire presque tous les jours. Bien entendu, la nuit c'est plus discret. Tout cela expliquerait sans doute ce mythe de la transformation uniquement de nuit à la pleine lune.

Paul resta très évasif sur la façon dont il avait été transformé, dont son groupe de potes avait été massacré. Il ne tenait pas à ce qu'Alicia vomisse sa pizza qu'elle semblait avoir fortement appréciée. Il allait continuer ses explications lorsqu'Alicia eut à nouveau un tic étrange : elle tourna la tête de côté pour tourner la langue. Par réflexe, il tourna sa tête dans la même direction sans voir quiconque à proximité. Pour feindre d'avoir remarqué ce geste et de gêner la fillette si c'était un souci pour elle, il tourna plus exagérément la tête pour voir les humains alentour qui mangeaient aussi sur le gazon, dans un coin ou déambulaient dans la rue avec leurs propres soucis en tête.

- Regardes autour de toi. Pour eux, nous ne sommes que deux anonymes mangeant une pizza dans un parc. Aucun ne se doute de nos pouvoirs. Paul prit un air sévère : Et il faut que ça reste ainsi ! Nos vies sont déjà assez compliquées à être traqués par d'autres espèces, n'y ajoutons pas les humains en plus ! Puis reprenant un ton apaisé : Ca viendra avec l'expérience, t'es encore débutante !

Paul ne voulait pas vexer la fillette encore inexpérimentée, mais il fallait qu'elle comprenne cet aspect : d'un côté les humains, de l'autre les différentes espèces surnaturelles. Ne les mélangeons pas ! Ce message ne concernait pas directement la mère adoptive d'Alicia dont il avait peu connaissance, mais la race humaine au sens large. Il avait certes les magiciens, les lycans et les autres espèces, mais elle devait garder à l'esprit qu'il fallait prendre en considération dans leurs actions l'impact sur cette population neutre non doté de pouvoirs. Les "moldus" comme diraient certains !

Il avait répondu à plein de questions, mais elle ne semblait toujours pas pressée de rentrer chez elle. Il devinait la suite ... après la théorie, la pratique ! OK, c'est pas lui qui lui apprendrait des tours de magie, mais peut être avait-elle besoin d'un assistant, ou plutôt quelqu'un de confiance qui l'encourage, l'oriente, la critique sur ce qu'elle fera de bien ou de moins bien. Voilà pourquoi elle quittait son foyer de nuit, pour épargner sa mère et pratiquer à l'abri des regards.

Paul ne parlait pas la langue des signes et pas besoin de trop d'échanges écrits. Il y avait comme une connexion entre les deux qui lui permettait de deviner les pensées l'un de l'autre. Il mastiqua lentement sa dernière part de pizza pour prendre le temps de penser aux différentes propositions qui s'envisageaient.

- Si tu veux t'entraîner, deux solutions : trouver un bâtiment, un lieu à l'écart et déserté. Mais d'expérience, aucun lieu n'ait jamais totalement déserté en pleine ville : squatteurs, sdf, drogués, patrouille de police... Quand j'ai besoin de changer de peau et d'être peinard, je prends un baluchon et pars en forêt.

Lors d'une précédente conversation, Paul lui avait expliqué qu'une de ses facultés surnaturelles était la vitesse. Celle-ci lui permettait de rejoindre les bordures boisées en une poignée d'heures. Alicia ne pesait pas lourd, l'avoir sur les épaules ne le freinerait pas beaucoup.

Comme à chaque fois elle écoutait sans perdre une miette ce que lui disait Paul. Ses professeurs auraient probablement aimés obtenir la même attention de sa part… Ainsi donc elle nota l’information de la transformation : donc ce n’était pas faisable tout le temps et il n’y avait pas d’obligation lunaire, juste un confort de discrétion la nuit. C’était tout à fait compréhensible. D’ailleurs c’était souvent la nuit que son père disparaissait, probablement dû au fait que les autres espèces se manifestaient plus facilement une fois le soleil et les humains couchés.

Lorsqu’elle entendit le discours moralisateur de Paul elle ne pût s’empêcher de lever les yeux au ciel avant de se laisser tomber le dos en arrière. Encore et toujours ce discours ! Elle l’avait suffisamment entendu de la part de son père pour le connaître par cœur : les humains ne doivent pas découvrir leur existence, pas même sa mère. Oui oui elle le savait, Olivier aussi. Seulement aujourd’hui était une exception, c’était de la légitime défense ! De plus elle avait fait son maximum pour rester le plus discrète possible. De toute façon, c’était aussi un peu la faute de son père : si il lui avait appris des sort d’attaque discret elle aurait pu se défendre plus facilement et moins s’exposer aux humains. Elle n’y pouvait rien si il avait refusé de lui apprendre l’attaque. C’était d’ailleurs ce qu’elle comptait bien demander en priorité à son oncle quand elle aurait assez confiance en lui.

Alors qu’elle commença à signer pour donner une réponse rapide et je m’en foutisme Alicia se rappela que Paul ne savait pas lire le langage des signes. Elle soupira, agacée par le fait que presque personne ne comprenait ce langage pourtant bien utile, attrapa son téléphone et écrivit un simple « Je sais, on m’a suffisamment rabâché les oreilles avec ça. Juste un accident aujourd’hui. J’avais pas l’intention de m’exposer. ». Quand elle y repensa, c’était aussi pour éviter de se faire découvrir par sa mère qu’elle était sortie. Un véritable fiasco cette fuite. Enfin pas totalement, elle avait à présent un nouvel ami.

Rapidement Paul lui proposa d’aller s’entraîner, il ne fallu pas plus pour qu’Alicia avale en vitesse la fin de sa pizza et hoche positivement de la tête. Le mot entraînement était toujours magique sur elle : il lui faisait oublier tous ses soucis car il était ce dont elle avait le plus besoin pour protéger sa mère. Elle attendit que l’adulte soit prêt avant de agripper à lui pour aller là où il voudrait pour les isoler. Olivier poussa un profond soupir qu’elle balaya d’un geste de la main. Il devrait être content, elle avait un nouvel ami, en cher et en os.

Une fois qu’ils furent arrivés, elle dû prendre quelques secondes pour se remettre de ce voyage rapide. Son corps n’étant pas habitué à parcourir de tel distance aussi rapidement.

« Bon alors tu vas pas trop pouvoir m’aider pour apprendre la magie, par contre, on peut peut-être bosser ma résistance ou mes réflexes ? Autant profiter de ne pas m’entraîner seule pour optimiser cette session ! »

Lorsqu’elle tendit son téléphone au loup, elle avait les yeux pétillant, c’était à peine si elle ne sautait pas sur place d’impatience et d’excitation. Les deux sujets étaient pertinent à bosser, elle venait de les confronter plus tôt dans la soirée et avait bien vu son manque de compétence. D’accord elle s’en était sortit, mais de pas grand-chose et améliorer l’existant était toujours intéressant à faire ! Surtout maintenant qu’elle savait qu’elle avait quelqu’un de confiance qui pourrait l’aider à évoluer et comprendre cet univers qui était le leur.